Nous, Hors-champ, tenons à réagir ici à l’ article paru dans le Soir du 03/12/2016 (Supplément « Références ») sous le titre: « Doper la formation à l’audiovisuel. »
Que dit l’article de « Références » ?
Extraits : « (…) le secteur audiovisuel a le vent en poupe (…) un des secteurs parmi les plus actifs et dynamiques de l’économie (…) le nombre d’entreprises actives dans le secteur est ainsi passé de 689 en 2011 à plus de 900 en seulement deux ans (…) 46% des travailleurs dans le domaine sont répartis dans les quatre plus grosses sociétés audiovisuelles belges (VRT,RTBF, Medialaan et RTL Belgium) »
Ce bel enthousiasme est porté par Jan Vermoesen, directeur de Mediarte, fonds social du secteur audiovisuel. Celui-ci vient d’obtenir une dotation supplémentaire pour créer un ou deux postes dans ses bureaux. Mediarte est aussi porteur du projet « Académie des médias », dont le budget serait estimé à 600 000€. Une version flamande existe déjà et Jan Vermoesen espère bien développer un projet similaire pour les francophones. Elle proposerait des formations sur les métiers de l’audiovisuel.
L’emploi : statistiques et travailleurs intermittents
Pour chiffrer l’emploi dans un secteur, les médias utilisent souvent la notion d’équivalent temps plein (ETP). Mais en réalité, une grande partie des travailleurs sont intermittents, et échappent aux radars statistiques.
Mediarte parle, dans son rapport ayant pour titre « Le secteur audiovisuel chiffres 2015 », de 11.095 ETP dans le secteur audiovisuel pour toute la Belgique. Un peu moins de la moitié (46% donc) travaille pour les chaînes de télé; Mais on sait que ces entreprises audiovisuelles ont de plus en plus recours à des contractuels (renouvelables ad vitam). Aucun chiffre ne clarifie le rapport entre le nombre de contractuels et de temps plein réels.
Par ailleurs, hors de ces 4 télévisions, comment évaluer le nombre de travailleurs du secteur ?Autrement dit : à combien de travailleurs correspond un ETP (équivalent temps), 2, 3, 4, plus? Hors champ a demandé à Mediarte mais aussi au Centre du Cinéma, un cadastre de nos emplois et le détail sur ces chiffres fait cruellement défaut. Cette absence souligne néanmoins la précarité des travailleurs du secteur qui sont bien des travailleurs intermittents, qui vont sortir et rentrer dans des périodes de chômage plusieurs fois par an sans qu’aucun d’eux ne parviennent au bout du compte à faire un ETP complet.
Quant à l’augmentation du nombre d’entreprises, si elle peut sembler enthousiasmante sur le papier, elle masque mal les difficultés des petites structures de productions, de services et autres: le nombre moyen de personnes travaillant dans ces sociétés est en diminution sensible (chiffre fourni dans le rapport de Mediarte). Par ailleurs un certain nombre de techniciens, parce qu’ils n’ont pas d’autres solution, choisissent de travailler sous le statut de travailleur indépendant (surtout en Flandre, mais de plus en plus côté francophone également.) Ces indépendants sont donc comptabilisés comme une entreprise. Ceux qui optent pour cette solution le font parfois parce qu’ils en ont marre d’être pris pour des chômeurs-profiteurs. Mais aucun travailleur du secteur de l’audiovisuel n’est jamais réellement indépendant: il est dans un rapport de subordination avec la société de production qui l’engage. Il y a aussi l’importance de la région où il habite, en fonction des co-productions, des points attribués au poste, etc …
La formation : Nos hautes écoles sont réputées. Les jeunes diplômés travaillent dans la précarité.
N’y a-t-il pas d’autre priorité que de créer une « Académie des médias » ?
De l’Helb, de l’IAD, de l’Ihecs, de l’Insas, des Conservatoires sortent chaque année nombres d’étudiants, master ou bachelors. Toutes ces Hautes Ecoles, subsidiées par la Fédération Wallonie-Bruxelles, sont souvent confrontées à des difficultés financières et/ou structurelles.
Les jeunes diplômés de ces écoles, dès leur première embauche, sont directement confrontés à des contrats à durées déterminées et à l’intermittence. Très vite, ils doivent jongler avec la belle panoplie de types de contrats utilisés dans le secteur. De plus, depuis 2014 et la réforme du « statut d’artiste », ces jeunes travailleurs précaires, sont en grande difficulté et n’arrivent plus à accéder à l’assurance chômage. A tel point que le secteur redoute la constitution d’un trou générationnel rendant impossible la transmission d’une expérience et d’un savoir-faire accumulés sur plusieurs générations.
Faut-il donc encore ajouter une nouvelle formation? Une académie des Médias ? Un nouveau jeu de télé-réalité ? Déjà de nouvelles écoles privées fleurissent et tentent d’aguicher des jeunes sans trop de repères; elles promettent beaucoup et sont hors de prix. Ne faut-il pas au contraire réinvestir dans nos écoles comme dans notre culture? C’est notre bien le plus précieux.
Les réalités de l’emploi et de la formation dans le secteur semblent donc toujours échapper à l’opinion publique, mais plus grave, ces réalités sont maquillées par ceux qui devraient alerter nos responsables politiques sur les difficultés et la précarité des travailleurs intermittents de l’audiovisuel.
Hors Champ